La famille d'adoption: Chistian



« Maman, il est où mon nez de clown ? » je crie du haut des escaliers
-          Dans ta boite à jeux, pourquoi ? Tu ne vas pas encore le prendre à l’école quand-même ?
-          Non, non… je réponds innocemment en cachant l’objet dans ma poche
Je descends ensuite prendre son petit-déjeuner.
« Je t’ai fait des œufs brouillés, dis maman.
-          Oh chic ! »
J’ai si faim que j’avale le tout presque sans mâcher.
« Doucement, petit ogre, tu vas attraper mal de ventre »
Maman continue de préparer mes affaires. Dans mon cartable, j’ai deux collations : une pour le 10h, une pour le 4h. La garderie, c’est parfois un peu long mais maman et papa travaillent jusque tard alors je n’ai pas le choix.
« Une pomme pour le goûter, ça te va ?
-          Oui, merci ! 
-          Alors tout est prêt champion, on peut y aller ! »
Maman me tend mon casque. Nous sortons de la maison vers les garages. C’est comme ça tous les matins. Papa est déjà parti au travail depuis longtemps. Nous, nous allons à l’école en vélo ! Quand il pleut c’est parfois compliqué mais sinon c’est super chouette. Maman dit que faire du sport de grand matin, ça fait du bien ! Et elle dit aussi que c’est bon pour la planète.
Arrivée à l’école, tous les copains me regardent souvent. Surement à cause de mon trop beau vélo. Il a trop la classe ! Maman accroche le cadenas et me prend par la main pour aller en classe. C’est ce moment que je choisis pour mettre mon nez de clown et débouler comme une furie. Les copains rient. Madame Hélène aussi. Un peu. Je crois. Elle me dit
« Christian, je t’ai déjà dit que les jeux de la maison restent à la maison ... »
Je soupire, je donne le nez rouge à madame qui le rend tout de suite à maman. Maman s’excuse et me fait les gros yeux. Je sais ce qu’elle se dit « On ne peut pas te faire confiance, Christian, toujours là pour faire des bêtises, patati et patata ». Je lui fais un câlin. Ça marche bien, les câlins. Puis je vais jouer. Le coin poupée par exemple, super endroit où personne ne me voit. Je bouscule Laura. Je m’excuse. Je lui redonne son bébé. Je lui propose un biberon à la glace au chocolat pour son bébé. Elle rit. Je ris. Ouf. J’attrape un bol et je commence à cuisiner un gâteau. Je ne sais pas trop comment on fait un gâteau. Je demande à Laura. Elle me tend une carotte en plastique. Ça doit être bon, un gâteau aux carottes. Je mélange, je mets au four et hop, c’est prêt. Je suis un vrai chef ! Papa aussi cuisine bien. Il tient même un restaurant. Plus tard, je veux tenir un restaurant, moi aussi.
Madame Hélène demande de ranger. Nous faisons la chanson du bonjour et des jours de la semaine. J’aime bien chanter mais pas rester assis. Je me balance un peu. Inès me regarde. Je lui fais des guili-guili. Elle rit. Madame me dit de me calmer. Oups. Elle dit « Je suis contente, les amis. J’ai déjà reçu beaucoup de photos de vos familles. Nous allons passer une super semaine et faire plein de choses avec, vous verrez ! Mais pour l’instant, nous allons terminer les activités de l’automne qu’il nous reste ! Nous avons peu de temps car près c’est l’heure de la psychomotricité ! »
Oh chic, la psychomotricité c’est le meilleur moment de la semaine ! On peut jouer courir, sauter et faire plein de choses comme à la récré ! C’est comme si nous avions deux fois récré !
Aujourd’hui, monsieur Laurent avait prévu un énorme circuit. Moi, j’avais très envie de monter dessus et de l’essayer mais il fallait d’abord écouter les consignes. Une fois sur les engins, j’étais très excité, je faisais le fou. Je faisais des cabrioles et des grimaces. Ça faisait bien rire les copains mais pas monsieur Laurent. « Christian, tu fais trop de bruit ! ». J’ai même été puni sur les bancs. C’est pas juste… Heureusement, à la récré, la vraie, on fait ce qu’on veut et on est jamais puni. On peut même crier ! Je joue souvent avec plein de copains. Jamais les mêmes. Parfois, je joue avec les grands aussi. Ils sont chouettes. La journée se passe bien. Vient enfin l’heure des papas et des mamans. Je sais que ce n’est pas encore mon heure des papas et mamans. J’attends sur le banc que mes copains partent. Je les vois tous sauter dans les bras de leur papa et de leur maman. Je suis un peu triste. Moi aussi, j’ai envie de sauter dans leurs bras. Mais je devrai attendre. Madame Hélène nous emmène dans la cour de récréation. C’est Flora, la dame de la garderie qui nous garde. Quand il fait beau, on peut rester dehors. Chouette, ça fera 3 récréations aujourd’hui. C’est toujours les mêmes copains qui restent avec moi à la garderie. Mon préféré, c’est Adrien, un grand. Ce qu’on adore, c’est monter tout en haut de la tour. On rigole bien avec Adrien, je suis content qu’il soit mon ami. Petit à petit, la cour de récréation se vide. Adrien reste encore plus longtemps que moi, d’habitude. Mais aujourd’hui, il me dit : « maman vient me chercher plus tôt pour m’acheter des nouveaux pantalons » Je grimace.
« Je n’aime pas acheter de nouveaux pantalons
-          Pourquoi ?
-          C’est embêtant, de les essayer on les met, on les enlève, ça m’ennuie
-          C’est vrai… (Adrien réfléchit, puis ajoute : ) Mais parfois maman m’offre une glace après et ça c’est chouette
-          Ma maman m’offre une glace quand on va au parc, pas quand on va faire les magasins…
-          Mais c’est qui ta maman ?
-          Tu l’as déjà vue, elle vient me chercher tous les jours à la garderie !
-          Mais… Ce n’est pas ta maman !
-          Bah si
-          Mais elle est blanche ! et toi tu es tout noir ! Les mamans blanches ne font pas des bébés noirs !
-          Pourtant c’est ma maman
-          Non ce n’est pas ta maman
-          Si ça l’est ! »
Je suis fâché, alors je donne une tape à Adrien qui tombe dans le toboggan et glisse jusqu’en bas. Il pleure. Mais je suis très en colère sur lui ! Flora vient nous voir. Elle me gronde et me dit de descendre. Je descends. Elle me dit que je ne peux pas frapper un copain. Mais Adrien n’est plus mon copain. Je suis très en colère sur lui et je suis très triste aussi mais je ne sais pas pourquoi. Quand maman vient me chercher, elle me trouve puni contre le mur. J’ai mes joues toutes rouges. Je suis gêné. Elle n’a pas l’air contente. Elle me prend par la main et nous sortons de l’école. Elle me tend mon casque. Elle me dit de faire attention et qu’on parlera à la maison. Je monte sur mon vélo. Je suis maman. Je n’ai pas envie de rentrer.
A la maison, maman me demande pourquoi j’ai tapé Adrien. Elle dit que ce n’est vraiment pas gentil et que si je me fais embêter, je ne dois jamais taper mais le dire à une grande personne qui surveille.
« Mais Adrien il a dit que tu n’étais pas ma maman parce que tu étais blanche. »
Je vois maman qui ne bouge plus. Je n’aurais peut-être pas dû en parler. Elle n’a plus l’air si fâchée que ça, finalement. Elle me dit : « Je t’ai déjà expliqué, Christian … » Oui je sais, j’ai un autre papa et une autre maman… Eux ils sont noirs et ils vivent en Afrique. Mais on ne sait pas qui ils sont. Ils m’ont confié à des dames quand je suis né pour qu’on s’occupe bien de moi. Ces dames m’ont-elles aussi confié à un nouveau papa et une nouvelle maman, blancs eux. Ce ne sont pas eux qui m’ont fabriqué dans le ventre de maman. Mais dans leur cœur je suis pareil.
« Nous sommes ta maman et ton papa de cœur. Et même si on ne te ressemble pas, ce n’est pas pour ça qu’on ne t’aime pas, mon Christian. Je sais que tu te poses beaucoup de questions mais tu es un garçon très intelligent et plus tard, quand tu seras grand, on t’aidera à retrouver tes parents en Afrique. »
Je suis encore triste. J’aimerais voir ma maman et mon papa noir. Mais je suis content aussi. J’ai une super maman et un super papa ici, en Belgique. En plus, maman n’est plus fâchée. Ouf. Elle me caresse la tête. « Tu veux un chocolat pour le gouter ? » Je dis oui.

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