La famille monoparentale: Luke
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Et puis elle est partie. Alors je lui ai dit au revoir par la
fenêtre et je suis allé m'asseoir sur le banc. Je n'avais pas envie de jouer ni
avec les voitures ni avec les legos. Quentin m’a tendu un téléphone mais j’ai dit
non de la tête. Madame a dit de ranger les jeux et on a chanté la chanson du
bonjour et des jours de la semaine. Aujourd’hui, on est mercredi. C’est une
petite journée et heureusement car ça veut dire que je vais revoir maman très
bientôt. D’ailleurs, on a prévu d’aller au magasin cette après-midi. J’espère
qu’elle m’achètera les biscuits que j’aime tant, ceux avec une étoile en
chocolat dedans.
« Ce matin, dit madame Hélène, nous allons continuer la
peinture avec notre main d’hier, vous vous rappelez ? Pendant ce temps, je
vais mettre plein d’autres activités sur les tables. »
Madame Hélène place toutes les activités. Mes copains se
lèvent tous de leur place pour regarder. Moi, ça m’est égal. J’aime bien la
peinture d’habitude mais là j’ai surtout envie de voir maman.
« Est-ce qu’on peut mettre le coin voiture,
madame ? » Demande Lucie. Madame dit oui. Lucie va chercher le bac de
voitures et le pose au milieu du coin tapis.
« Vous pouvez aller dans les ateliers ! »
Tout le monde se lève d’un coup et je suis bousculé par
Naël. Moi, je n’ai pas envie de jouer mais il y a trop de bruit au coin tapis
avec tous les copains qui jouent aux voitures en faisant des bruits de moteur.
Je fais le tour de la classe en silence. Madame Hélène m’appelle pour finir ma peinture.
« Tu as l’air raplapla aujourd’hui, mon Luke ... Tout
va bien ? »
Un gros chagrin me monte aux yeux. Ça pique, les gros
chagrins. Ça fait mal au cœur, au ventre et ça fait pleurer les yeux.
« Je veux… ma… ma… maman… ». Madame Hélène me fait
un câlin. Elle me serre fort, presque aussi fort que le fait maman. Elle sent
bon aussi, mais pas comme maman. Ca me calme un peu mais pas trop.
Heureusement, c’est l’heure de la collation. Je m’assieds près de Lucie, ma
meilleure copine à l’école. Chouette ! Maman a mis les biscuits que j’aime
tant ! Ensuite, c’est la récré ! Je sais qu’après tout va aller très
vite. Nous rentrons en classe, on chante une petite chanson avec loulou la
guitare et déjà c’est l’heure des papas et des mamans. Ouf ! Je vois maman
arriver par la fenêtre. J’attends impatiemment son arrivée. Dès que je la vois
à la porte de la classe, je me lève comme une flèche et, sans dire au revoir à
mes copains, je cours dans ses bras. Elle me fait plein de bisous tout doux sur
le front, les joues et le nez. « Mon lapin, mon sucre d’orge, mon ange…
Tout s’est bien passé aujourd’hui ? » Je dis « oui oui »,
très vite. N’en parlons plus il est l’heure de partir ! Je tire maman vers
la sortie. Je monte dans la voiture. Je sais bien où maman est passée avant de
venir me chercher, ça sent dans toute la voiture : Au Quick ! Je
dévore frites et nuggets sur le chemin. Miam, trop bon !
Au magasin, maman me dit « Reste près de moi Luke,
surtout ! » mais je n’ai pas du tout envie de partir loin de toute
manière. Je lorgne les bonnes choses à manger des rayons. Soudain, je croise
les délicieux biscuits que j’aime tant. Je regarde maman, maman me regarde.
J’essaye d’apercevoir dans son visage un léger sourire, un petit hochement de
tête… Quand soudain…
« Marguerite ! » Une dame s’approche de nous.
Marguerite, c’est le nom de ma maman. Elle a l’air de connaitre ma maman mais
moi, je suis sûre de ne pas connaitre cette madame. Je m’accroche au pantalon
de maman, on ne sait jamais. Maman plisse les yeux et soudain s’écrie :
« Marika ! ça alors, c’est bien toi ? Qu’est-ce que tu as changé
depuis la fac … »
Elles se font des bisous et discutent pendant très
longtemps. Moi, je commence à avoir envie de faire pipi et cette boite de
biscuits dans ma main ne demande qu’à aller dans le caddie…
« Maman… » je murmure après un long moment pour
lui rappeler mon existence. Mais c’est l’autre dame qui se met à parler en me
regardant dans les yeux. « C’est ton fils ce beau petit
garçon ? »
« Oui, il s’appelle Luke ! »
Gêné, je me cache derrière maman. Elle est un peu bizarre
cette madame tout de même. Et puis, je ne la connais pas.
« Il va avoir 5 ans dans quelques mois… » continue
maman.
« Oh, c’est fou ça, mon fils aussi a 5 ans ! Dis
donc, il me semble que nous avons plein de choses à nous raconter depuis les
années. Ça te dirait que nous nous retrouvions pour une petite journée au parc,
en famille ? Ça me ferait plaisir de papoter avec toi et de rencontrer
l’élu de ton cœur ! »
« Euh… et bien…, dis maman, c’est-à-dire que… »
Mais la dame ne l’écoute pas. « D’ailleurs, tu te
souviens de Greg, en fac de médecine ? Et bien figure-toi que maintenant
c’est mon chéri ! Et oui… D’ailleurs nous avons… ».
Je n’écoute plus. Le pipi est trop présent. Je vais faire
dans ma culotte si ça continue. Voyant que je me tiens l’entre-jambe des mains,
maman coupe la conversation.
« Je suis désolée Marika, mais je crois que le petit
doit faire pipi… »
« Pas de souci, chérie ! On se dit à samedi au
parc ! 15h ça ira ? »
Conclusion de cette journée : nous allons au parc
samedi. Je suis arrivée aux toilettes juste à temps. Et maman m’a acheté les
biscuits en étoile que j’adore. Yes.
J’aime bien le samedi car il n’y a pas école. Je peux rester
toute la journée près de maman à jouer à ce que je veux. Mais cette après-midi,
nous avons rendez-vous avec des inconnus au parc. Maman me met mon beau jogging
et nous sortons. Il fait beau dehors, c’est un temps parfait pour aller jouer…
Mais c’est avec maman que j’ai envie de jouer moi… Pas avec le garçon inconnu
de la dame du magasin. Alors, j’y vais avec la boule au ventre, je traine un
peu les pieds. Arrivé au parc, je reconnais tout de suite la dame du magasin.
Elle est accompagnée d’un très grand monsieur tout mince. On dirait qu’il va
toucher les nuages. Il me fait un peu penser à un spaghetti… La dame me fait un
bisou. A ma maman aussi.
« Ça me fait plaisir de vous voir ! Et tu
reconnais Gref, j’imagine ! Ton mari n’a pas pu se libérer ? »
J’entends maman bafouiller mais déjà la dame emmène maman vers
le banc. Je reste là, tout seul, à quelques pas de la plaine de jeux et face à
ce grand monsieur qui n’a pas dit un mot. Il me regarde. Je le regarde.
« Mon fils est sur les modules. » me dit-il. Je ne sais pas ce que
c’est un module. Il me montre le bateau de la plaine de jeux. Je vois
effectivement un garçon au loin qui glisse sur le toboggan. Quand je retourne
la tête vers le monsieur, il est déjà parti vers les jeux. Je m’approche du
garçon inconnu. Il me sourit très vite. Il s’appelle Thomas, il a 5 ans. Il me
propose de jouer aux pirates. Je dis oui. Nous passons un moment à tenter de
sauver notre bateau qui coule au milieu des crocodiles. Quand soudain, nous
pensons avoir sauvé la situation, nous entendons « à
l’abordage ! ». C’est Greg qui monte sur notre bateau. « Je suis
le capitaine crochet, je viens voler votre bateau moussaillon » dit-il.
Nous jouons encore. Nous rigolons beaucoup. Quand nous sommes fatigués de jouer
aux pirates, Greg revient avec un ballon de foot. C’est lui le gardien. Nous
gagnons 6 buts à 0. On est trop contents et trop fatigués aussi. Maman dit que
je suis tout trempé. Elle me donne ma gourde. La maman de Thomas a apporté du
cake. Elle m’en donne aussi. Je dis merci et nous retournons nous asseoir sur
notre bateau. Pendant que nous mangeons, je dis :
« Il est très bon le cake, merci.
-
C’est papa qui l’a fait, me répond Thomas
-
Ton papa ?
-
Bah oui, avec qui on a joué. »
Il me désigne Greg qui est allé s’assoir avec les mamans.
Greg. Papa. Qu’est-ce que c’est un papa ?
« Et toi, il est où ton papa ? » demande
Thomas
« Je ne sais pas. Je n’en ai pas.
- Ta maman n’a pas d’amoureux ?
- Non.
Thomas ne parle plus. Moi non plus. Je réfléchis. A l’école,
beaucoup de copains ont des papas. Ils viennent parfois les chercher à l’école.
Pourquoi son papa à lui ne vient-il jamais le chercher ? Il ne sait même
pas à quoi il ressemble…
« Luke ? On va rentrer ! »
Nous disons au revoir à Thomas, à sa maman et à Greg son
papa puis nous rentrons. Sur le chemin, maman pose beaucoup de questions mais
moi je n’ai pas envie de parler. Je me pose beaucoup de questions. Je me sens
triste et en colère. Pourquoi je n’ai pas un papa à la maison qui jouerait avec
moi ? Pourquoi Thomas il en a un ? Et les copains de l’école aussi…
Quentin, Christian, Laura… Elle en a même 2, Lucie. Elle me l’a dit.
Maman voit bien que je suis triste. Mais moi je ne veux pas
lui dire. Pourquoi elle ne veut pas qu’un papa vienne jouer avec moi ?
Après le repas, elle me met en pyjama et me prend dans ses
bras. Elle m’appelle « mon tout petit », « mon petit
loup » , « mon doudou tout doux » et elle me fait des
bisous.
« Maman, pourquoi je n’ai pas de papa, comme
Thomas ? » Je l’ai dit. C’est sorti tout seul de ma bouche. Je
n’aurais peut-être pas dû car je sens maman qui se met à trembler et qui a un
chagrin qui lui monte aux yeux. Alors je me sens triste moi aussi. Je sens une
boule de chagrin qui monte.
« Mais tu as un papa mon ange. »
Elle me pose sur le lit et part. Elle revient avec un album
photos. Elle l’ouvre. Dedans, il y a des photos de maman avec un monsieur.
« C’est mon papa ? » Oui, c’est mon papa. Je
le trouve très beau. Il a un joli sourire. Il a l’air gentil. Il a l’air encore
plus gentil que Greg. Mais ça, je ne le dirai pas pour pas rendre Thomas
triste.
Maman me dit que mon papa, il est spécial. Elle dit que
c’est un papa-ange car il est dans le ciel à tout jamais pour veiller sur moi.
Je ne saurai pas jouer avec à la plaine de jeux, ni manger de son cake car il
est parti là-haut bien avant ma naissance. Maman dit qu’il m’aimait très fort
et qu’il avait hâte de me rencontrer. Qu’il doit me trouver très gentil et
qu’il me regarde toujours de là-haut… même quand je fais des bêtises…. Je crois
que je deviens tout rouge ! Mais je suis très fier ! J’ai un
papa-ange, c’est magique !
Maman me fait un bisou sur le front. Il est un peu humide et
tout doux. Elle me dit « Dors bien, mon ange. ». Elle pose l’album
sur ma chaise et sort de la chambre. La nuit, sans bruit, alors que mes doudous
dorment à poings fermés, je sors de mon lit, j’ouvre l’album et je prends une
photo. Il est quand même beau mon papa-ange ! Je serre la photo contre mon
cœur. J’ai hâte de montrer mon papa à tous les copains, lundi !!
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